1. Le débauchage de talents peut vous exposer à une responsabilité
Les personnes qui ont de l’expérience dans la croissance et la gestion d’une entreprise en démarrage peuvent être de formidables ajouts à votre équipe, particulièrement si votre entreprise exerce ses activités dans un secteur spécialisé. En pareil cas, vous pourriez envisager d’engager des candidats possédant des compétences très pointues, ce qui peut vous amener à considérer des gens qui travaillent pour des concurrents. Faites attention : vos nouveaux employés pourraient continuer d’avoir des obligations envers leur ancien employeur, et votre entreprise pourrait s’exposer à une responsabilité s’ils manquent à ces obligations.
Tous les employés ont un devoir de confidentialité envers leurs employeurs, et bon nombre peuvent avoir signé des conventions précises à cet égard. Si l’employé manque à ce devoir en révélant de l’information confidentielle à son nouvel employeur ou en utilisant cette information à son nouveau poste, le nouvel employeur pourrait lui aussi être tenu responsable. En tant que nouvel employeur, vous pourriez vous exposer à une responsabilité du fait d’autrui pour les actes répréhensibles que commettent vos nouveaux employés dans l’exercice ou le cadre de leurs fonctions. Veuillez noter qu’il existe une distinction entre l’information confidentielle (comme les secrets commerciaux ou d’autre information exclusive) et le savoir-faire et les compétences généraux acquis à un poste antérieur. Un employé est libre d’apporter à un nouveau poste ses connaissances générales et les compétences acquises à un autre poste, sans être soumis à des restrictions inéquitables ou injustes.
Si votre nouvel employé manque à son devoir de confidentialité envers un ancien employeur, un tribunal peut accorder une injonction contre votre entreprise pour empêcher la continuation de l’utilisation de l’information confidentielle, ce qui pourrait retarder considérablement le développement de produit et la croissance de votre entreprise. De plus, votre entreprise pourrait être tenue d’indemniser l’autre entreprise à l’égard du préjudice qu’elle a subi et de lui verser des dommages-intérêts. Elle pourrait en outre être tenue de rendre compte des profits qu’elle a réalisés par suite de l’acte répréhensible et de les restituer à l’autre entreprise.
Exemple : L’information confidentielle appartient généralement à l’une ou l’autre des deux catégories suivantes, à savoir l’information sur la gestion de l’entreprise et l’information sur ses produits et services. L’information confidentielle de la première catégorie peut englober l’identité des fournisseurs et les modalités convenues, l’identité des clients, les plans de commercialisation et de mise en marché, les stratégies de développement, la structure de prix. L’information confidentielle de la deuxième catégorie pourrait inclure les formules secrètes, les procédés de fabrication, les algorithmes ou les codes de logiciel et d’autres secrets commerciaux.
Point à retenir : Vous avez certainement avantage à embaucher quelqu’un qui a de l’expérience dans votre secteur d’activité et qui comprend votre entreprise. Toutefois, la personne que vous voudrez engager aura probablement de l’information confidentielle qui pourrait être pertinente pour votre entreprise. Si vous décidez de l’engager, expliquez-lui les conséquences de la divulgation d’information confidentielle et interdisez-lui de l’utiliser ou de la divulguer. La même remarque s’impose dans le cas des employés qui pourraient être assujettis à des engagements de non-sollicitation ou à d’autres clauses restrictives découlant d’un poste antérieur.
2. Votre entrepreneur pourrait en réalité être votre employé
Vous devez clairement indiquer dans votre contrat si vous engagez une personne à titre d’entrepreneur ou d’employé, mais cette indication ne suffit pas. En effet, ces qualités ou rôles doivent correspondre à leur signification juridique précise.
Comme le montre le litige en matière d’emploi visant Uber aux États-Unis, une entreprise peut perdre des centaines de millions de dollars par suite de la caractérisation erronée d’un employé à titre d’entrepreneur. Au Canada, la common law confère aux employés plus de droits et une meilleure protection qu’aux entrepreneurs. Les employés bénéficient aussi des droits et des protections que leur accordent les diverses lois sur les normes d’emploi. Par suite d’une caractérisation erronée d’un employé à titre d’entrepreneur, votre entreprise pourrait contrevenir à ces lois et en payer le prix.
Même si les deux parties s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’une relation d’entrepreneur, cet élément n’est pas déterminant. Que l’expression « entrepreneur indépendant » soit utilisée explicitement dans le contrat ou non, les tribunaux examineront néanmoins les circonstances particulières et analyseront divers facteurs pour établir la classification appropriée. Les facteurs dont les tribunaux tiendront vraisemblablement compte sont notamment les suivants :
- le degré de contrôle que l’employeur a le droit d’exercer sur le travailleur
- le travailleur fournit son propre équipement ou outillage ou non
- qui bénéficie des possibilités de profit et assume les risques de perte
- le travailleur reçoit une rémunération fixe et périodique et bénéficie d’une assurance collective, d’un régime de retraite ou d’autres avantages ou non
- le travailleur embauche ses propres assistants ou non
- le travailleur est rémunéré lorsqu’il est en congé (il touche une paie de vacances) ou non
- le travailleur fournit des services à toute autre entité ou n’a pas le droit de travailler pour des entités concurrentes
Exemple : Vous engagez Mélanie, et le contrat qui intervient entre votre entreprise et elle indique qu’elle est un entrepreneur indépendant. Elle sera votre représentante itinérante et vendra votre produit à l’aide de votre matériel promotionnel. Elle sera rémunérée entièrement à la commission et recevra une formation sur la vente de votre produit. Elle devra porter un vêtement arborant le logo de la société dans l’exercice de ses fonctions. En pareil cas, Mélanie pourrait être considérée comme une employée, plutôt qu’un entrepreneur.
Point à retenir : Si vous envisagez d’embaucher un entrepreneur, vous devriez considérer la liste de facteurs présentée ci-dessus pour chaque contrat ou encore utiliser notre outil d’évaluation à des fins fiscales (en anglais seulement) comme point de départ. (Veuillez noter que cet outil fournit seulement une information générale et a été préparé du point de vue fiscal.) Si vous croyez que le contrat en question se situe près de la ligne de démarcation, vous devriez en parler avec un avocat, surtout que la liste de facteurs n’est pas exhaustive. De plus, l’analyse évoluera à mesure que la relation progresse et que le travail change. Une personne pourrait commencer à travailler à contrat en tant qu’entrepreneur indépendant, puis la relation avec le donneur d’ouvrage pourrait au fil du temps se rapprocher d’une relation d’employé ou d’une relation d’entrepreneur dépendant. Vous devriez réévaluer la situation au moins une fois par année, parce que plus la relation perdure, plus les probabilités augmentent que le travailleur soit considéré comme un employé ou un entrepreneur dépendant.
3. Votre stagiaire pourrait en réalité être votre employé
Tout comme ils peuvent malencontreusement considérer un employé comme un entrepreneur, certains employeurs croient à tort que leurs obligations envers leurs stagiaires diffèrent de celles qu’ils ont envers leurs employés. Bon nombre de territoires au Canada ont imposé des restrictions sur la caractérisation de travailleurs en tant que stagiaires, et ces restrictions peuvent différer d’une province à l’autre.
En Ontario, les stages non rémunérés sont impossibles, à moins que le stage ne réponde aux conditions de l’une des trois exemptions prévues par la loi, lesquelles sont interprétées restrictivement :
- le stage fait partie d’un programme approuvé par un conseil d’école secondaire, un collège ou une université;
- le stage offre une formation pour certaines professions énumérées, notamment l’architecture, le droit, la comptabilité publique (l’expertise comptable), la médecine vétérinaire, la dentisterie et l’optométrie;
- le stage répond aux six conditions prescrites pour que le travailleur soit considéré comme un stagiaire.
En Colombie-Britannique aussi, les stages non rémunérés sont impossibles, à moins que le stage ne réponde aux conditions de l’une des exemptions suivantes prévues par la loi, lesquelles sont interprétées restrictivement :
- De nombreuses normes d’emploi, notamment sur le salaire minimum, les heures de travail, les heures supplémentaires et les périodes de repos, ne s’appliquent pas aux professionnels ou aux gens qui suivent une formation pour le devenir, dans des domaines désignés, comme les médecins, les avocats, les infirmiers, les ingénieurs et les comptables.
- Les normes minimales d’emploi ne s’appliquent pas aux élèves inscrits à une école secondaire qui sont engagés pour travailler à cette école dans le cadre d’un programme d’apprentissage en milieu de travail, d’une expérience en milieu de travail ou d’études professionnelles.
Il existe aussi une distinction clé entre les travaux pratiques et les stages. De façon générale, les travaux pratiques font partie d’un processus d’enseignement officiel pour les étudiants inscrits à un établissement postsecondaire et visent l’application pratique supervisée de la théorie déjà enseignée en classe dans le cadre d’un cours. Il s’agit d’une formation pratique qu’exige le cursus et qui mènera à l’obtention d’une attestation ou d’un diplôme. À ce titre, les travaux pratiques ne sont pas considérés comme du « travail ».
Par contre, les stages sont considérés comme une formation en milieu de travail qu’offre un employeur pour donner à quelqu’un une expérience pratique. Ainsi, de façon générale, ils sont considérés comme du travail et doivent être rémunérés conformément aux normes minimales, notamment quant aux heures de travail, au salaire minimum, à la rémunération des heures supplémentaires et à la paie de vacances.
Aucune exemption n’est prévue en faveur des entreprises en démarrage.
Exemple : Si Suzanne ne répond pas aux critères d’une catégorie précise dans la province où elle travaille, alors elle n’est pas une stagiaire, même si vous et elle pensiez qu’elle en était une. En pareil cas, Suzanne a les mêmes droits que tout autre employé, notamment quant au salaire minimum, à la rémunération des heures supplémentaires et à la paie de vacances.
Point à retenir : Si vous souhaitez engager un stagiaire, assurez-vous de connaître d’avance les exigences applicables.
Pour des renseignements plus détaillés sur les stagiaires, veuillez consulter les bulletins suivants de McMillan pour ce qui est de l’Alberta, de l’Ontario, de la Colombie‑Britannique et du Québec (en anglais seulement).
4. Le contrat que vous concluez ultérieurement est peut-être nul
À leurs débuts, les start-up sont souvent un regroupement assez lâche de personnes qui collaborent à la réalisation d’une idée. Il n’est pas rare qu’une start-up ait des employés sans avoir conclu de contrat écrit. Si vous n’avez pas de contrat de travail type, vous pourriez envisager d’embaucher quelques employés et de consigner ultérieurement les détails d’embauche dans une convention écrite. Le problème, c’est que si l’employé commence à travailler sans un contrat écrit et que vous voulez lui faire signer un tel contrat par la suite, ce contrat écrit sera nul (dans les provinces de common law) à moins qu’une nouvelle contrepartie (un élément de valeur) soit fournie à l’employé au moment de la signature du contrat.
Il en est ainsi parce, même en l’absence d’un contrat écrit, un contrat verbal existe dès que l’offre d’emploi a été acceptée. Par conséquent, un contrat qui intervient après un contrat verbal pourrait être interprété comme une modification du contrat initial. Pour que le contrat modificatif soit valide, l’employeur doit remettre une contrepartie supplémentaire. Une simple promesse d’emploi continu, sans la remise d’une valeur supplémentaire à un employé actuel, ne constitue pas une contrepartie bonne et valable pour de nouvelles modalités. Même s’il vous semble que vous vous bornez à officialiser une entente qui existe déjà, demandez-vous si vous aviez expressément consenti à chacune des modalités qui figurent dans le contrat de travail. Selon toute probabilité, ce n’est pas le cas
Exemple : Julie accepte une offre d’emploi durant une conversation que vous avez avec elle, et vous discutez ensemble des modalités de base de l’entente, comme le salaire, les heures et les fonctions. Deux mois après que Julie a commencé à travailler, vous voulez qu’elle signe un contrat écrit officiel, qui contient en outre une clause de non-sollicitation. Comme cette clause n’a pas été abordée dans l’offre initiale, ce contrat écrit constitue une modification du contrat verbal initial. Pour que le contrat écrit soit valide, vous devez remettre à Julie une contrepartie supplémentaire pour la dédommager du désavantage qu’elle subit en raison de la clause de non-sollicitation. En d’autres termes, puisque Julie vous donne quelque chose de plus, vous devez faire de même en sa faveur. Cette contrepartie supplémentaire peut prendre diverses formes, comme une hausse de salaire, un nouvel avantage, une option d’achat d’actions ou une prime, mais dans tous les cas, la valeur de l’élément supplémentaire remis ne doit pas être purement symbolique (par exemple 1 $). Sans le versement d’une contrepartie supplémentaire, le contrat est invalide, même si Julie l’a signé.
Point à retenir : Assurez-vous que votre contrat de travail est prêt lorsque vous faites une offre d’emploi ou faites une offre conditionnelle, subordonnée à la signature d’un contrat complet. Si l’employé a commencé à travailler avant de signer un contrat de travail, vous devriez par prudence consulter un avocat. Autrement, vous pourriez découvrir, bien des années plus tard, que le contrat écrit n’était pas valide.
5. Vos clauses de non-concurrence pourraient être inopposables
Il importe que vous protégiez votre propriété intellectuelle au tout début de la relation d’emploi. À cette fin, vous pouvez inclure dans le contrat de travail que signent tous les employés des clauses restrictives qui portent notamment sur la propriété intellectuelle, la non-concurrence, la non-sollicitation et la confidentialité. En règle générale, les clauses de non-concurrence empêchent les ex-employés de travailler pour un concurrent ou de démarrer leur propre entreprise pour concurrencer leur ancien employeur. Les clauses de non-sollicitation empêchent les ex-employés de solliciter vos clients ou vos employés. Les ententes de confidentialité abordent en plus de détail le devoir général de l’employé et empêchent l’ex-employé d’utiliser votre information confidentielle après avoir quitté votre organisation.
Malheureusement, une clause restrictive mal rédigée risque d’être invalidée dans sa totalité. Un tribunal évaluera si la clause était raisonnable au moment où elle a été conclue. Si la portée de la clause était déraisonnablement large, notamment quant au type d’activités faisant l’objet des restrictions, à la durée ou à l’étendue géographique des restrictions, la clause sera inopposable.
Exemple : Supposons que votre contrat d’emploi type comprend une clause qui empêche vos ex-employés de vous faire concurrence dans le « Grand Vancouver ». Cette clause sera vraisemblablement inopposable, car l’expression « Grand Vancouver » est ambiguë et ne correspond pas à une région géographique clairement définie. De plus, si ce contrat contient une clause qui empêche les ex-employés de solliciter des mandats ou des marchés auprès de « toute entité qui était une cliente de la société pendant la durée de leur emploi », cette clause pourrait être inopposable, surtout s’il était impossible que l’employé connaisse tous les clients de l’employeur.
Point à retenir : Vous devrez vous assurer que la portée de vos clauses restrictives n’est pas plus large que celle que nécessite raisonnablement la protection de vos intérêts légitimes. Ce ne sera pas une tâche facile, car de nombreux facteurs entrent en jeu lorsqu’on détermine si la clause est raisonnable. En outre, bon nombre de tribunaux ont été réticents à faire valoir des clauses de non-concurrence contre des employés (surtout des employés subalternes), estimant qu’elles les empêchent indûment de gagner leur vie.
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Lorsque vous avez décidé d’embaucher un employé, un entrepreneur ou un stagiaire, vous devriez obtenir des conseils juridiques pour vous assurer d’avoir les documents appropriés et une bonne compréhension des enjeux et ainsi offrir à votre entreprise une protection à long terme. Les conseillers juridiques qui règlent les problèmes après coup peuvent vous aider à les prévenir dès le départ.
Adaptation par Michael E. Reid d’un article rédigé par Dave McKechnie, Natalie Cuthill et Bettina Xue (stagiaire). Lire l’article original.